Politique

Paul Biya entame son huitième mandat dans un climat de tension et de contestation

Paul Biya entame son huitième mandat dans un climat de tension et de contestation

Une prestation de serment sous haute surveillance

Le Cameroun a vu son histoire politique s'étirer d'un nouveau septennat ce 6 novembre 2025. À 92 ans, le président Paul Biya a prêté serment devant l'Assemblée nationale à Yaoundé, s'engageant ainsi pour un huitième mandat consécutif. Au pouvoir depuis 1982, le chef de l'État, surnommé le « Sphinx de Mvomeka'a », cumule désormais 43 années à la tête du pays, consolidant son statut de l'un des plus anciens dirigeants du monde.

Proclamé vainqueur de l'élection présidentielle du 12 octobre avec 53,66% des voix par le Conseil constitutionnel, cette victoire, et par extension cette investiture, se déroule loin de l'unanimité. La cérémonie au Palais de Verre, bâtiment emblématique de l'Assemblée nationale, s'est tenue dans un contexte post-électoral électrique, soulignant les profondes divisions politiques et sécuritaires du pays.

La contestation balayée par l'appel à l'« ordre »

Le principal rival de Paul Biya, Issa Tchiroma Bakary, arrivé officiellement deuxième, continue de contester les résultats, dénonçant une fraude massive et revendiquant la victoire. Cet appel à l'insurrection démocratique a été matérialisé par un mot d'ordre de trois journées de « villes mortes » lancées du 3 au 5 novembre. Ces protestations ont rapidement dégénéré en violences, secouant plusieurs villes et faisant au moins 39 morts selon des acteurs de la société civile, 'aucun bilan officielbien qu n'ait été communiqué.

Face à cette vague de colère et de deuil, le président Biya a fait preuve d'une fermeté inébranlable dans son discours d'investiture. Tout en adressant des condoléances aux familles des victimes, il a surtout dénoncé l'attitude de « politiciens irresponsables » cherchant à déstabiliser la nation, visant implicitement l'opposition. Le président a salué le « professionnalisme des Forces de défense et de sécurité », très applaudies dans l'hémicycle, et a adressé un avertissement clair à ses opposants : « Le Cameroun n'a pas besoin d'une crise postélectorale dont les conséquences pourraient être draapplaudies» Il a ajouté, lapidaire : « Je peux vous l'assurer, l'ordre règnera. »

Ce ton martial contraste avec le silence du chef de l'État sur le sort des centaines de personnes arrêtées durant les manifestations, un fait confirmé par le ministre de la Communication.

Les défis persistants du nouveau septennat

Au-delà de la crise post-électorale, ce huitième mandat est confronté à des défis structurels majeurs. Paul Biya a bien mentionné dans son allocution qu'il mesurait la « profondeur des frustrations », annonçant des projets en faveur des jeunes et des femmes, deux segments de la population particulièrement touchés par le chômage et la précarité.

Cependant, les attentes se concentrent surtout sur la gestion des crises sécuritaires qui minent l'unité nationale. Le président a renouvelé un appel à la démobilisation des groupes armés actifs dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que dans l'Extrême-Nord, où sévit l'insurrection de Boko Haram.

Paul Biya, s'appuyant sur un mandat qu'il considère confié par « le peuple camerounais [et] par la volonté de Dieu », selon ses propres mots, a réaffirmé son objectif d'« union sacrée ». Son maintien prolongé au pouvoir, à un âge avancé, pose de manière aiguë la question de la pérennité institutionnelle du Cameroun et, inévitablement, celle de sa succession dans un paysage politique verrouillé. Ce nouveau septennat s'ouvre donc sous le signe d'une stabilité institutionnelle apparente, mais sur fond de contestation populaire et de tensions sécuritaires non résolues.


Grâce EBAKISSE,publié le 6 novembre 2025

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